ERECO PGV

L’Europe en réponse aux différentes crises

Dès l’origine de la pensée économique, le concept de crise fait l’objet d’analyses et de controverses (Boccara, 2013). Il est utilisé pour éclairer les formes de déséquilibres qui marquent le fonctionnement des marchés, le processus d’accumulation du capital ou encore les rapports de forces entre les acteurs présents sur la scène économique. Certains auteurs affirment non seulement la récurrence des crises mais également leur « nécessité ». La rhétorique de la crise constitue une dimension fréquemment utilisée pour qualifier les rapports de forces politiques dans l’Union Européenne et expliquer ses difficultés à définir un projet politique clair lui permettant de s’affirmer comme acteur global. Elle est mobilisée pour appréhender des phénomènes aussi disparates que celui des marchés financiers, des ruptures de chaînes d’approvisionnement ou des effets de la guerre en Ukraine, de la question de l’accueil d’immigrants ou encore au sujet des différents aspects liés aux changements climatiques, ou la nécessité de gestion de la pénurie de sources d’énergie.

Sans vouloir sombrer dans un débat qui suppose que toute difficulté économique, politique ou sociale peut être qualifiée de crise, dans le cadre de cet appel à communication nous posons la question de la récurrence des phénomènes de crises qui marquent la vie de sociétés européennes et de l’Union Européenne en tant que structure supranationale. En effet, comme l’observent Antoine Mégie et Antoine Vauchez : l’étonnante multiplicité des usages et des sens que revêt la « crise de l’Europe » invite d’emblée à la vigilance à l’égard de cette catégorie d’analyse. Pour une part, il y a là une histoire propre à la notion de « crise » devenue, singulièrement depuis les années 1960, la catégorie tout terrain des registres critiques. Dès les années 1970, un auteur comme Edgard Morin pointait la limite inhérente du terme de crise et appelait de ses vœux une refonte nécessaire de la « crisologie » (Morin, 1976). L’objectif affiché était de répondre à l’inutilité, selon lui, d’une telle catégorie qui, tout en définissant une réalité de plus en plus certaine dans le cadre d’un discours qui déjà à cette époque se faisait présent, constituait un mot sans valeur heuristique (Mégie, Vauchez, 2014, p.2).

En tenant compte de cette mise en garde, le sujet de ce colloque porte néanmoins sur la crise, sur les crises que traversent les sociétés européennes et au-delà. Nous invitons les auteurs à conduire une réflexion théorique autour de cette notion nécessaire pour révéler sa dimension heuristique. Il s’agit également, à partir d’études et d’observations de terrains spécifiques, de porter un regard analytique et diagnostic sur les formes de crises, de questionner leur impact et d’identifier les méthodes d’actions qui portent une dimension préventive ou curative. La problématique choisie pour cette conférence du réseau ERECO-PGV consiste également à envisager le phénomène de la multi-crise comme objet de réflexion conceptuelle et/ou pratique.

La notion de crise est traitée dans différents champs disciplinaires. Les économistes l’expliquent par la « sur »  ou « sous » consommation, par les chocs technologiques, ou encore par l’efficacité insuffisante du capital (Denape, 2021). Pour les historiens, la crise désigne différents processus de pression et pour la sociologie et certaines sciences de la vie, le terme « crise » ne s’avère pas très intéressant (Ordioni, 2011) or cette notion invite à l’expression de la pensée critique.

Aujourd’hui, en Europe, les crises s’empilent et se croisent. Elle revêt une forme de « multi-crise » (Salmon, 2009) car il n’y a pas qu’un phénomène qui fonde la réalité nommée crise, mais plusieurs phénomènes qui se croisent ou s’enchaînent, en induisant une vision systémique des crises. Le cycle historique, qui a débuté dans les années 70, est passé par une conjonction de crises économique, financière, climatique, sanitaire et se poursuit actuellement par la crise énergétique dans le cadre d’un conflit militaire auquel l’Europe ne s’attendait plus. Il s’agit donc d’un sujet très large et complexe, demandant à être étudié sous de nombreux aspects et sollicitent différents points de vue disciplinaires et analytiques. L’orientation des thématiques de spécialité d’ERECO-PGV pointe vers les individus, les entreprises et les territoires.

Les individus (citoyens)ont d’abord été affectés par la crise sanitaire et ses conséquences sur leur vie sociale et leur mode de travail (Duché, 2021), et subissent de ce fait un coût de la vie, élevé. La crise climatique exige elle aussi, des évolutions de leurs comportements afin de protéger le bien commun qu’est la planète.  Une démarche plus ou moins unifiée des Etats nations dans la lutte contre ces crises contemporaines, y compris l’agression militaire en Europe, a-t-elle renforcé la conscience d’appartenance des citoyens à la communauté européenne démocratique ? Les entreprises, quant à elles, l’histoire nous enseigne que chaque crise renvoie le monde entrepreneurial face au défi trouver des solutions en matière de production, de responsabilité vis-à-vis de la société civile et de trouver aussi de nouvelles opportunités qui se présentent. (Giraud et al.,2021) prétendent que les entreprises devront se tourner vers le développement de « l’économie du vivant » afin de réévaluer toutes les activités économiques du point de vue de leur utilité, de leur contribution à la santé, à l’environnement, à la pérennisation de la vie et à une cohésion sociale dans un système symbiotique. Les expériences observées dans les entreprises s’avèrent-elles à la hauteur des crises actuelles ? Les territoires sont aussi affectés par les périodes de crises, tant d’un point de vue opérationnel quant à leurs actions mises en œuvre que d’un point de vue stratégique. Cependant, ils ont à maintes reprises prouvé qu’il pouvait soutenir le développement et l’innovation, autant par le biais de leurs politiques publiques que par la mobilisation de nombreux acteurs locaux et régionaux. Il serait intéressant et utile d’étudier différents aspects de cette mobilisation sur le plan des compétences et de révéler les méthodes mises en œuvre et transmissibles à d’autres territoires européens. 

 Thématiques appréciées autour des « multi-crises » :

            Les entreprises et le territoire européen

            Les entreprises et la résolution des crises

            Les territoires comme dynamique européenne

            Le territoire, enjeu stratégique

            L’engagement des individus vis-à-vis du projet européen

            L’individu/citoyen et la problématique de l’empreinte carbone

 

Références / 

Boccara, P., 2013. Théories sur les crises, la suraccumulation et la dévalorisation du capital, Ed. Delga.

Denape, T., 2021. Comment les économistes expliquent-ils les crises ?  In :  Économie et politique, mai – juin, p. 67-71.

Duché, G., 2021. La pandémie mondiale et le monde d’après. Qu’avons-nous appris pour construire un autre monde ? Un défi pour l’Europe. In : Management & Gouvernance, n° 26(2), pp. 71-90.

Giraud, G., Sarr, F. 2021. L’économie à venir. Edition : Les liens qui libèrent.

Mégie, A., Vauchez A., 2014, Introduction : Crise, crises et crisologie européenne. In : Politique Européenne, 2014, n° 2, pp.8-22.

Morin, E., 1976. Pour une crisologie. In : Communications, n° 25, pp.149-163.

Ordioni, N., 2011. Le concept de crise : un paradigme explicatif obsolète ? Une approche sexospécifique. In : Mondes en développement. no 2, vol. 154, pp. 137-150

Salmon, J.-M., 2009. Multicrise, gouvernance et mondialisation : une introduction. Accessible sur : https://mouvements.info/multicrise-gouvernance-et-mondialisation-une-introduction/.

Dates à retenir pour les participants :

Le 15 mai 2023          dépôt des résumés à la plateforme d’ERECO PGV

Le 15 juin                   réunion du GREG – évaluation des résumés, communication des décisions aux auteurs

Le 15 septembre         dépôt des contributions

Le 19 octobre             réunion du Comité scientifiques, communication aux auteurs des résultats d’évaluation

 

L’organisateur prévoit 3 modalités pour la publication des articles proposés à l’issue de la conférence :

Springer (en anglais)

L’Harmattan (en français)

Revue Management & Gouvernance (majoritairement en français)

En fonction de leur intérêt, les auteurs sont demandés de respecter les instructions relatives aux normes de présentation des articles de chaque éditeur.

 

Ghislaine Pellat                                                                                 Jana Marasova

Université Grenoble Alpes                                                                Université Matej Bel

Grenoble                                                                                           de Banska Bystrica        

ghislaine.pellat@univ-grenoble-alpes.fr                                        jana.marasova@umb.sk

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